Les hyménoptères et l’altitude

Bourdon terrestre – Hyménoptère

En juin dernier, l’équipe du Wild Bees Project s’est retrouvée pour une sortie nature dans le Jura, sur le massif de la Dôle dans le petit vallon de Couvaloup de Crans (1300 m). Tout en lenteur mais surtout tout en observation, le nez au raz des fleurs, nous avons scruté, décrit et photographié ce petit monde des insectes, tous pollinisateurs. Bourdons terrestres, syrphes et papillons étaient bien présents, mais les autres abeilles sauvages beaucoup moins. Pourtant elles sont 600 espèces en Suisse et 1000 en France ! Mais où donc se cachaient-elles ?

A vrai dire, l’altitude y est sans doute pour quelque chose, car dès 1400 mètres environ, les abeilles sauvages se font plus rares, les mouches (diptères) devenant les principaux pollinisateurs. Quelques études existent sur la question de la présence des insectes anthophiles (qui aiment les fleurs) et l’altitude, l’une d’elles, publiée en 2018, nous montre que la pollinisation de la plupart des plantes alpines dépend des insectes, dont la répartition altitudinale est limitée par la température, la diminution de la surface terrestre disponible et la baisse de la pression atmosphérique. D’autres facteurs affectent les organismes vivants tels que les précipitations, l’humidité du sol, la persistance de la couverture neigeuse ou des particularités locales.

Le Syrphe – Diptère
Le Ramoneur – Lépidoptère

Alors que la fréquence des visites et la richesse des espèces d’hyménoptères (abeilles), de coléoptères (scarabées, coccinelles, hannetons etc.) et de lépidoptères (papillons) diminuent rapidement avec l’altitude au-dessus de 1400 m, la richesse et l’abondance des espèces de diptères augmentent pour atteindre un pic autour de 2100 m. À une altitude d’environ 1500 m, l’ordre principal de visite des fleurs est passé des hyménoptères, des diptères ou des coléoptères, en fonction du site (et de la prise en compte ou non du nombre d’abeilles domestiques), aux diptères sur tous les sites.

La rareté des abeilles sauvages solitaires en altitude pourrait résulter de diverses contraintes liées à la recherche de nourriture ou à la nidification, tandis qu’à l’inverse, le succès des bourdons, qui est une abeille sauvage, est probablement favorisé à la fois par leur développement rapide permis par la socialité, et par leur capacité à voler et à butiner à des températures plus basses que les petites abeilles.

Les montagnes sont des points chauds de la biodiversité avec un endémisme élevé qui abritent un quart de la diversité biologique terrestre, la plupart des plantes à fleurs alpines dépendent des insectes pour la pollinisation formant des réseaux complexes de dépendances entre les espèces. Avec le réchauffement climatique, les abeilles devraient se déplacer vers des altitudes plus élevées, tandis que les groupes de mouches déjà présents aux niveaux d’altitude les plus élevés peuvent soit disparaître, soit modifier leur phénologie ou leur comportement, y compris leurs relations avec les fleurs.

Vallon de Couvaloup de Crans
https://www.nature.com/articles/s41598-018-23210-y